Une description synthétique de cet Espace Naturel Sensible, et des difficultés de constituer une frayères à brochets à cet endroit précis.

UN PROJET ENVIRONNEMENTAL : LA FRAYERE A BROCHETS

  • Historique  : Lors de sa séance du 1er février 1999, dans le cadre de sa politique des Espaces Naturels Sensibles, le Département de Seine-et-Marne définit, en accord avec les communes de Couilly Pont aux Dames et Crécy-la-Chapelle, un périmètre de préemption départementale commun sur la rive droite du Grand Morin : « la frayère du marais » composé de 3 parcelles. Le Département a acquis ces parcelles en 2002 et 2006. Leur aménagement a été effectué pour permettre en principe l'immersion de cet espace lors de crues ou de montées de la rivière, pour permettre aux brochets d'y entrer pour s'y reproduire. Ce projet a coûté à l'époque 300.000€.
  • Situation/Présentation  : Situé en rive droite du Grand Morin, l’espace naturel sensible « la frayère du marais » s’étend sur une superficie voisine de 7 Ha sur les communes de Crécy-la-Chapelle et de Couilly-Pont-aux-Dames. En communication avec la nappe du Grand Morin, ce site est constitué d’une roselière, d’anciens canaux de drainage d’une peupleraie décimée par la tempête de décembre 1999 et d’un cordon boisé en rive du Grand Morin. Cette proximité avec la nappe du cours d’eau lui permet d’accueillir quelques espèces floristiques typiques des zones humides telles la laîche des marais, la stellaire aquatique, la grande consoude et la menthe aquatique.
  • Enjeux : Longtemps considérées comme insalubres, les zones humides sont des milieux remarquables, présentant une grande diversité d’écosystèmes. Elles assurent des fonctions hydrauliques, biologiques et climatiques vitales. Mais depuis près d’un demi-siècle, les mutations économiques, sociales et agricoles connues en France ont profondément nuit aux milieux humides. Ces endroits naturels, jouant un rôle fondamental dans le cycle de l’eau, ont subit deux tendances inverses qui ont causé la fermeture et la banalisation du milieu : la surexploitation par drainage, plantation, remblais ou à l’inverse, l’abandon des usages traditionnels qui s’y exerçaient. On estime ainsi que les deux tiers des zones humides françaises ont disparu en un siècle. Sachant que 50% des espèces d’oiseaux dépendent de ces zones humides et que 30% des espèces végétales françaises y sont inféodées, il est indispensable de les protéger et de les reconquérir.

Par sa situation en contrebas de la rivière du Grand Morin et de la voie SNCF, l’Espace Naturel Sensible « la frayère du Marais » constitue une réserve hydraulique indispensable à la régulation des crues du Grand Morin et à la recharge de la nappe phréatique. La crue du Grand Morin est très brutale : la rivière monte très vite surtout depuis la mise en place de nombreux drainages agricoles et les constructions toujours plus nombreuses sur les plateaux amont ; mais le niveau de l’eau redescend également très vite. Les inondations sont donc de courtes durées ce qui limite leur intérêt biologique. La submersion du site se fait actuellement de manière brutale.

En conclusion, l’aménagement des parcelles départementales constituant le site « la frayère du marais » en lieu de stockage des hautes eaux du Grand Morin, devait permettre de retrouver localement les fonctions positives de ces crues sur les milieux riverains (apport de limons, limitation des repousses ligneuses, recharge de la nappe, maintien d’une humidité favorable à de nombreuses espèces telles que les amphibiens, odonates…et zone de frai du brochet). De plus, la valorisation écologique de ce milieu passe par son ouverture et son retour à la prairie humide originelle, tout en conservant quelques arbustes et arbres afin de respecter le statut boisé du site. Les peupliers ont ainsi été coupés mais les autres espèces ligneuses présentes ont été conservées ; en particulier les frênes, merisiers, noyers et noisetiers. 

En concertation avec la Fédération de pêche de Seine et Marne, la DDAF 77, le service de la navigation, les communes et les propriétaires riverains concernés, et le conseil supérieur de la pêche, le Département de Seine et Marne a conçu l’aménagement de ce site suivant 2 objectifs :

  • restaurer une zone humide pour retrouver les espèces emblématiques de ce milieu et plus particulièrement pour permettre le frai des brochets ;
  • l’ouvrir au public en rétablissant le cheminement entre les deux communes.

Les travaux ont essentiellement consisté en la suppression des peupliers, le terrassement d’une aire permettant le frai des brochets, la prolongation d’un ancien canal de drainage en canal d’alimentation en eau, la pose d’une vanne, la restauration d’un chemin en contrebas de la voie ferrée… Le site doit en principe être immergé progressivement et non plus brutalement comme le montrent les schémas ci-dessous.

  • Effets attendus sur les crues  : Nous tentons ici d’illustrer les effets sur l’inondabilité de la zone. On peut voir à droite que l’inondation du site s’effectuera progressivement avec la montée des eaux du Grand Morin, alors qu’aujourd’hui, les inondations surviennent à une certaine côte : avant pas d’inondation, après tout est inondé. L’eau se retire ensuite plus vite actuellement, ce qui rend quasi impossible le frai des brochets.
Situation antérieure Situation attendue
Il faut actuellement attendre la côte de 48 mètres pour observer les mêmes effets hydrauliques de cette zone. L’inondation observée actuellement est très brutale et donc néfaste d’un point de vue écologique. Dès la côte du Grand-Morin de 47,5 mètres atteinte, des volumes d’eau sont retenus dans l’espace de frai. L’inondation obtenue est ainsi beaucoup plus douce...

Tout le fonctionnement de ce dispositif s'articule autour d'un événément indispensable : l'entrée du Grand Morin dans l'espace de frai notamment lors des crues. Dans les faits, un barrage situé sur le site de l'ancien Moulin de Hérouin en aval (Moulin aujourd'hui disparu) s'est effacé, induisant un abaissement général du niveau moyen de la rivière en amont, des désordres au niveau des berges, au niveau des fondations d'un autre moulin (Moulin de la Sault) et de ses prorpes vannages eux-mêmes détériorés. Au final, un abaissement moyen de plus de 1 mètre du niveau de la rivière a été constaté ! La conséquence est que les montées de la rivières au-delà du niveau de la côte de 47,50m sont plus rares ou s'opèrent à l'occasion de crues violentes sans intérêt pour les brochets et leur reproduction. 
La conclusion est hélas ( et le paradoxe bien douloureux pour les tenants de la restauration du libre cours des rivières pour permettre aux poissons de remonter les rivières notamment pour se reproduire) qu'aujourd'hui, du point de vue du but recherché, la frayère à brochet reste désespérement vide et ne permet pas aux brochets de venir s'y reproduire.

Cet espace reste toutefois un espace dit de "zone humide" car l'eau y arrive par infiltration, permettant à de nombreuses espèces (faune et flore) de s'y développer.